Une conférence sur le thème de la course à pied a eu lieu dernièrement.
Plusieurs intervenants, dont le physiothérapeute Blaise Dubois et le professeur de physiologie du sport Grégoire Millet, abordent plusieurs problématiques du coureur.
Je te propose maintenant le deuxième épisode qui concerne la chaussure course a pied : définition et état des connaissances.
Chaussure course a pied : Préambule
Il s’agit d’une conférence entre plusieurs spécialistes du monde de la course à pied.
Cette conférence a été découpée en 6 épisodes. Voici donc le deuxième qui traite de la chaussure course a pied.
Tu peux par là retrouver le premier épisode sur la prevention des blessures.
Je remercie par ailleurs Blaise Dubois, de la clinique du coureur (Canada) de nous avoir autorisé la retranscription écrite de toute la conférence.
Voici les intervenants de cette conférence sur la définition et l’état des connaissances de la chaussure de course à pied :
Blaise Dubois, Physiothérapeute, expert en prévention des blessures chez le coureur
Boris Gojanovic, Médecin chef du Swiss Olympic Medical Center, Haute Ecole Fédérale du Sport de Macolin
Davide Malatesta, PhD, Maître d’enseignement et de recherche à l’ISSUL, Université de Lausanne
Eric Haefelin, Représentant Suisse d’un équipementier
Grégoire Millet, PhD Professeur de physiologie du sport, Directeur de l’ISSUL, Université de Lausanne
Laurent Paonessa, Copropriétaire de New Concept Sports, conseillé et vendeur en chaussures de course à pied spécialisées
Chaussure course a pied : L’essentiel à connaitre
La question n° 2 : « chaussure course a pied : définition et état des connaissances ».
Blaise Dubois : L’être humain est pieds nus depuis toujours.
Son pied n’a à peu près pas évolué depuis 2 millions d’années.
Il a commencé à porter des chaussures il y a à peu près 10-20-30.000 ans, des chaussures ultras minimalistes.
Encore dans les années 1960, les chaussures de course à pied étaient super minimalistes.
Qu’est-il arrivé dans les 20-30 dernières années…
Pour faire de la chaussure un monstre technologique avec des talons surélevés, des semelles absorbantes, des stabilisateurs calcanéens…
Et des technologies de contrôle de la pronation, des supports d’arche, des empeignes stabilisatrices et des semelles spécifiquement rigidifiées pour dicter au pied où il doit bouger ?
En fait, tout ça, sans aucune évidence scientifique.
On va passer à travers 2-3 diapositives sur l’état des évidences qu’on pourra débattre par la suite.
Les chaussures changent la biomécanique naturelle et font la promotion de l’attaque talon.
Les chaussures changent la biomécanique naturelle aussi et amènent une perte de l’alignement du genou (une revue systématique de Radzimski).
Elles ralentissent la cadence.
Elles ont tendance de façon générale plus la chaussure est grosse à augmenter le stress sur le genou, la hanche et le dos, et le jambier antérieur, mais à le diminuer sur le mollet, le tendon d’Achille et le pied.
En fait, on diminue tellement que sur le long terme on a tendance à causer des fragilités au niveau de ces tissus.
Quand je dis fragilité, le meilleur indice de cette fragilité c’est que quelqu’un qui migre trop rapidement vers le minimalisme ou le pied nu, par paire de tolérances tissulaires va se blesser s’il le fait trop vite.
En fait, si on augmente le stress trop rapide en étant plus minimaliste ou plus pied nu, on peut prédire où l’individu va se blesser : mollet, tendon d’Achille et partout au niveau du pied.
Les structures qui prennent ce stress c’est que le corps n’était plus adapté en portant des chaussures traditionnelles maximalistes.
D’autres points scientifiques sur la chaussure de course a pied :
Les technologies « anti-pronateurs » intégrées dans la chaussure ne contrôlent pas la pronation et la biomécanique du quadrant inférieur. Les technologies « anti-pronateurs » intégrées dans la chaussure ne diminuent pas l’incidence des blessures.
L’absorption intégrée dans la chaussure ne diminue pas l’incidence des blessures.
L’absorption et les « anti-pronateurs » intégrés dans la chaussure n’augmentent pas le confort perçu.
Les chaussures à prix plus élevés ne sont pas plus confortables, elles ne diminuent pas l’incidence des blessures.
Ma question pour vous : pourquoi pas pieds nus ?
Parce qu’il fait froid, parce qu’il y a des surfaces dangereuses.
La raison principale pourquoi personne n’est pieds nus aujourd’hui, c’est les regards condescendants.
C’est l’aspect social en arrière du pied nu.
Alors mon autre question : pourquoi pas juste minimaliste ?
Je vous amène ma définition du minimalisme :
En fin de compte c’est une chaussure qui va d’abord avoir un confort maximal, c’est-à-dire qui va respecter la forme du pied.
On appelle ça des lasts anatomiques.
C’est-à-dire que la forme de la chaussure respecte la forme du pied, surtout au niveau de l’avant-pied.
On va parler d’une chaussure qui va avoir moins d’amorti, moins de pente, de drop, de différentiel entre l’arrière et l’avant-pied, plus de souplesse, moins de technologie de toute sorte pour dicter au pied où il doit bouger ou ne pas bouger, et des chaussures les plus légères possible.
En fait, vous comprendrez que quand je vous dis moins et moins ça ne nous donne pas encore une fois des chiffres précis.
Et comme je sais que les scientifiques de l’autre bord veulent avoir des chiffres, on a élaboré la cote TRC.
En fait, on s’est penché sur la question parce que…
Je vous ai apporté un poster qu’on a présenté au congrès canadien de médecine du sport sur « chaussure minimaliste vs chaussure maximaliste ».
Et un des problèmes qu’on avait c’est comment on pouvait définir ce qu’était le minimalisme ou le maximalisme de façon plus objective.
Ce qu’on a fait finalement, c’est qu’on a fait des formules un peu complexes (j’avoue), mais l’indice minimaliste c’est un mélange finalement d’épaisseur, de dénivelé, de flexibilité et de poids.
Parce que dans le monde du marketing de la chaussure, on focus beaucoup dernièrement sur le fameux drop « ma chaussure a 4 mm de drop », « ma chaussure a 12 » ou « elle a 0 ».
En fait, c’est un petit facteur, un facteur quand même important, mais à travers les autres.
L’obstacle pour moi, c’est-à-dire l’épaisseur, est probablement encore plus important.
Bref, on a réussi, on a tenté du moins de quantifier ce qu’était le minimalisme en considérant que 100 % minimaliste c’était du pied nu.
Et qu’à l’autre bout du spectre on avait des chaussures plus grosses. Vous pouvez remarquer que c’est un continuum.
Je vais vous dire par exemple que pour moi le minimalisme c’est une cote TRC de 70 % et plus.
Là on est dans des chaussures assez minimalistes.
Quand on est dans des chaussures à 50 %, on est dans des chaussures maximalistes.
La question c’est : est-ce que mes collègues sont d’accord avec ça ou pas ?
(Rires dans la salle)
Animateur : Voilà, excusez, je voulais laisser la parole. Allez les fauves.
Chaussure course a pied : Un peu d’histoire
Éric Haefelin : On va prendre une grande ½ heure. Un tout petit peu d’histoire.
Aux Jeux olympiques à Rome en 1960, Abebe BIKILA gagne le marathon, 2 h 15 pieds nus.
Je pense que tout le monde a vu les images.
Mon patron qui était dans les tribunes s’est dit qu’en ayant monté en 1949 une fabrique de chaussures que si tout le monde courait pieds nus, il aurait bien de la peine à continuer son business.
Il est donc allé trouver BIKILA pour lui demander s’il ne voulait pas courir avec des chaussures.
Bien sûr que BIKILA qui est champion olympique refuse.
Ce que je raconte là c’est l’histoire, c’est la vérité.
Sous l’insistance, il accepte d’avoir une paire de chaussures.
Il demande une seule chose : la chaussure la plus légère du monde et la plus proche de la course pied nu.
Ça, c’est le moteur qui nous anime encore aujourd’hui dans le développement des chaussures.
Blaise Dubois : Il faut que je réponde à ça ?
Vu qu’on est dans un débat, on va se le permettre. Il faut animer.
J’ai eu des débats épiques avec un de vos anciens collèges parce qu’il semble qu’il ne travaille plus pour Asics depuis quelques semaines.
Mais bref, Simon Bartold qui est un PHD australien, et on a eu des débats très intéressants.
Vous pourrez trouver des vidéos sur notre site web www.lacliniqueducoureur.com où on s’est permis de commenter une de ses conférences où il me citait toutes les 2 diapositives.
Le débat était autour du fait justement que Asics était si « evidence based », je ne veux pas attaquer Asics précisément…
Mais je pense que toutes les grosses compagnies ont suivi le marché, ont suivi les technologies, ont vendu de la technologie.
Et on voit une chaussure qui devient de plus en plus grosse avec les années, d’un point de vue initialement peut-être des scientifiques qui nous faisaient croire que ça prenait de l’absorption dans les chaussures et des anti-pronateurs.
Mais plus tard repris par des concepts de business qui ont amené à vendre des chaussures.
Éric Haefelin : Tu as raison.
Après, il faut quand même aussi reconnaitre, si tu regardes l’évolution, on a changé totalement la façon de catégoriser les chaussures par exemple.
Un exemple qui est frappant, on a toujours eu, pas seulement Asics, mais toutes les marques, une catégorie qu’on appelait « motion control », donc du contrôle du mouvement.
Alors que tout le monde sait qu’on ne contrôle pas le mouvement.
Ça, c’est aujourd’hui quelque chose qui est totalement abandonné.
Ça va quand même dans un sens qui est celui toujours du respect de la foulée, et de ne jamais oublier que la base de la construction d’une chaussure ça reste toujours le pied.
Blaise Dubois : Alors là il n’y aura pas de débat. Je suis obligé d’être d’accord.
Animateur : J’ai une question peut-être. Excusez-moi. Avant de vous laisser la parole. Mes pieds qui ont fait du football, mais tout le monde va s’en foutre, mais ça ne fait rien, ne supportent que des Asics.
Ça va faire plaisir à Monsieur HAEFELIN.
C’est une question de béotien, mais j’aimerais savoir ce qui différencie une bonne paire de chaussures minimalistes d’une autre paire de chaussure minimaliste ? C’est son prix ?
Chaussure course a pied : c’est quoi une bonne chaussure ?
Blaise Dubois : Je ne sais pas s’il y en a qui veulent répondre.
Mais je poserais la question autrement : qu’est-ce qui différencie une bonne chaussure d’une mauvaise chaussure ? Qu’elle soit minimaliste ou non minimaliste.
C’est quoi une bonne chaussure ?
Laurent Paonessa : Je vais tenter un élément de réponse, mais c’est le pied, ce n’est ni la personne ni le vendeur qui va choisir, c’est le pied de la personne, quand il va mettre le pied dedans…
Qu’il soit physio, podologue ou vendeur spécialisé, il va se rendre compte par lui-même avec des essais, que cette chaussure convient mieux qu’une autre.
Après je reprendrais par rapport à la remarque de Monsieur. J’ai une question par rapport à pourquoi pieds nus.
J’aimerais savoir ce que je vais répondre aux enfants et petits-enfants de BIKILA.
On les a mis en Éthiopie, et tous les mois on leur envoie des cartons pleins avec 200-300 chaussures.
Je suis un peu gêné parce que ce sont de très vieilles chaussures de plus de 3 ans qui ont des trous…
Et le gars me demande à chaque fois s’il y a assez d’amorti.
Comment je vais lui expliquer que le trader à New York paye pour courir pieds nus ?
Ou qu’il voudrait payer en tous les cas pour la clinique du coureur ?
Qu’il voudrait des 5 Fingers.
Je vais lui dire qu’il y a des gars qui veulent courir pieds nus et toi tu veux de l’amorti….
Qu’est-ce que je lui réponds ?
Lui courra pieds nus parce qu’il n’a pas d’argent, pas parce qu’il connait la biomécanique.
Blaise Dubois : Effectivement. Et le jour où il reçoit une belle grosse chaussure, il est extrêmement fier et content.
Ça fait en sorte encore une fois qu’il y a un aspect social autour de la chaussure.
La majorité des Kényans s’entraine avec des chaussures énormes.
Pourquoi ? Il y a un gros point d’interrogation autour de ça.
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Mais la question est très intéressante…
On envoie nos vieilles chaussures qui ont 3 ans, qui sont déformées, à des personnes qui sont habituées à être pieds nus.
Il y a un avantage à ça, c’est qu’on va prévenir certaines infections.
Il y a un avantage quand même à avoir certaines chaussures dans des pays parfois sous-développés.
Mais je pense que d’envoyer nos grosses chaussures, Asics ou autre, ce n’est pas une bonne idée.
Je pense qu’il faut qu’on envoie nos chaussures minimalistes.
Laurent Paonessa : J’aimerais savoir justement ce que je dis à la personne.
Il les a là-bas.
Il est pieds nus.
Et il me dit qu’il veut de l’amorti.
Je lui dis que non…
Que je les lui offre parce que ça lui fait plaisir, qu’il est pauvre…
Mais que ça ne m’arrange pas de les lui donner parce que je ne suis pas convaincu, car elles sont vieilles.
Toi tu me dis de lui dire de garder ses pieds nus.
Blaise Dubois : Je lui expliquerais que son pied nu est de beaucoup préférable à plein de facteurs qu’on débattra tout à l’heure.
Mais en fait, ce qui m’intrigue et m’intéresse c’est pourquoi il veut de l’amorti ?
Est-ce que réellement il y a des sensations ?
Parce qu’il y a quelques petites études intéressantes où ils ont à l’aveugle caché les chaussures pour savoir les clients d’un magasin X quel type de chaussure ils préféraient.
Et on est en train de faire quelque chose à Québec là-dessus.
En fin de compte c’est intéressant de savoir que plus rarement ils vont choisir les grosses chaussures…
C’est-à-dire celles qui sont plus texturées, plus lourdes…
Les facteurs de confort sont très individuels, sont très personnels.
Il y en a qui préfèrent des chaussures plus fermes, plus molles, de toutes sortes.
Et le problème c’est la culture.
On a créé cette idée qu’il fallait avoir de l’amorti, de l’absorption.
Et surtout plein de couleurs, plein de trucs, plein de technologie.
Grégoire Millet : Ce qui m’intéresse, c’est que si tu essayes de nous dire que finalement il y a des aspects marketing dans l’industrie de la chaussure ?
On est tous d’accord.
C’est une industrie, il faut vendre, donc il y a des aspects marketing.
Donc là-dessus ça n’apporte pas grand-chose.
Mais ce que je remarque c’est que la présentation du minimalisme évolue au cours du temps.
Là maintenant on est sur un continuum.
Avant on nous disait qu’il fallait être minimaliste.
Maintenant on nous dit qu’il faut être minimaliste, mais à 70 %, à 60 %.
On se rend bien compte qu’en terme de message le tout minimaliste pose des problèmes qui reviennent au débat initial qui est la capacité d’adaptation.
Ensuite, si tu veux qu’on prenne position sur chacun des éléments…
Je crois qu’il y a un élément à prendre en compte aussi par exemple par rapport à la pronation.
La pronation, si on considère que la pronation par définition c’est quelque chose qui va entrainer des blessures, on se trompe.
Tu le sais très bien.
On n’est même pas d’accord sur la définition de l’hyper pronation.
Le fait qu’il y ait un affaissement de l’arche légal, on peut le quantifier, on le connait.
Cet affaissement de l’archel légal, cette fatigue des muscles intrinsèques du pied va être différente selon le type de fatigue.
Si on amène un athlète à l’épuisement à 95 % de sa vitesse maximale aérobie ?
Il n’aura pas la même répartition des forces et des pressions plantaires que sur une course de 5 km …
Que sur un ultra trail et tout ça m’amène à dire qu’on ne peut pas simplifier à l’extrême en disant qu’il faut tendre vers une chaussure qui est (je suis assez d’accord) avec moins de drop, une semelle plus…
Mais il y a une étape encore qui n’est pas franchie, d’encore mieux adapter la chaussure…
Pas pour des raisons strictement marketing, aux caractéristiques du coureur et de l’épreuve en tant que telle.
Boris Gojanovic : Juste je rajouterais un truc sur ce que tu as dit.
Si on va dans ce sens-là, sur un marathon on devrait changer de chaussures au milieu.
Blaise Dubois : Il y a trop de questions dans ta question, mais elle durait plus qu’une minute. (rires)
Je peux juste rappeler un petit quelque chose de la part du fabricant ?
Chaussure course a pied : la théorie de Niege
Blaise Dubois : Juste pour relancer un petit peu. Je n’ai pas parlé beaucoup de pronation.
Mais s’il faut que je statue : le degré de pronation n’est pas en lien avec les pathologies.
Le marketing de la chaussure pour contrôler la pronation a été quelque chose qui a été amené initialement par Niege.
Qui en fin de compte a été mis en avant par les scientifiques et repris beaucoup maintenant par les compagnies…
Et qu’il faut arrêter de faire.
C’est-à-dire arrêter de faire des liens entre un pied qui est pronateur, une chaussure qui est anti-pronatrice en pensant qu’on va réduire l’incidence des blessures.
Mais je suis obligé encore une fois d’être d’accord que le pied change dans une dynamique de course.
Mon point essentiel, c’est que pour ne pas changer sa chaussure au milieu du marathon (parce qu’on fait un peu plus de pronation à la fin)…
Mon idée est de dire :
Que peut-on faire pour repousser ces états de fatigue qui vont amener un degré de pronation plus important si on considère que ça pourrait être problématique.
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Mon point c’est de dire :
Entrainez-vous progressivement, de plus en plus, et en plus avec des chaussures qui n’interfèrent pas trop avec votre biomécanique.
Grégoire MILLET : Niegue que tu cites avait une théorie qu’on appelle le « muscle tunning » qui montre que l’arche médial va avoir 2 rôles, 2 caractéristiques.
D’abord de stocker la restitution de l’énergie élastique.
C’est-à-dire qu’on a un pied qui n’est pas plat, donc qui va jouer un peu un rôle de ressort.
Mais aussi un rôle protecteur d’absorption des ondes de choc.
Effectivement, la répartition sous le pied, ce rôle absolument essentiel de la voute plantaire, il est à la fois dans un but d’optimisation de la performance pour celui qui veut performer, et dans un but de prévention des blessures.
Et en ce sens-là, toujours sur le principe (pour lequel on est d’accord) qu’on va se désadapter.
Si je soutiens mon arche tout le temps, au bout d’un moment je vais rendre les muscles intrinsèques plus faibles.
Mais de là à dire qu’on a besoin, quel que soit le type de coureur, de ne plus avoir aucun soutien de l’arche…
Je n’en sais rien, mais ça me semble aller un peu vite en besogne.
Blaise Dubois : Ma réponse est simplement qu’il n’y a pas de séance qui supporte le fait d’en avoir.
Comme il n’y en a pas qui supportent le fait qu’il ne faut absolument pas en avoir…
On a quand même de façon intéressante 2 millions d’années d’évolution avec un pied qui s’est relativement bien adapté et que les anti pronateurs existent depuis 40 ans.
Grégoire MILLET : Mais le renforcement des muscles intrinsèques du pied par l’activité spontanée de course à pied, c’est extrêmement discuté.
Je suis d’accord de dire : faisons de la préparation physique.
Faisons comme font les athlètes du renforcement du pied ?
Des exercices où on vient prendre la serviette avec les orteils, on court dans le sable.
On peut même faire de l’électrostimulation de l’arche plantaire.
Ça, ça va induire des adaptations qui sont quantifiées et qui sont observables.
Le postulé qu’on va avoir des adaptations et qu’on va renforcer finalement cette tonicité du pied.
En athlé on dit toujours qu’un athlète a du pied ou n’a pas de pied.
On voit bien que c’est quelque chose d’absolument essentiel.
Mais le postulé que ça va pouvoir passer uniquement par de la course à pied…
Je crois qu’il y a encore pas mal d’évidences parce que tu nous parles toujours d’ « evidence based ».
Il y a encore pas mal d’évidences à mettre sur la table.
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Animateur : Il serait peut-être intéressant de savoir dans la salle qui porte des minimalistes, qui porte des maximalistes ?
Et avoir un témoignage de votre part sur les minimalistes ou les maximalistes.
Blaise Dubois :… Le stress appliqué sur le squelette qui est un transfert des charges qui se fait d’une structure à l’autre en fonction des biomécaniques induites par la chaussure.
Vous pourriez aussi garder vos grosses chaussures…
Mais avoir une biomécanique comme pied nu pour réduire le stress au niveau du genou.
Laurent PAONESSA : J’ai une question Blaise.
Tu as dit à maintes reprises que depuis 40 ans on a fait beaucoup de marketing pour développer la chaussure avec le cautionning, trop d’amorti.
Si l’être humain depuis 2 millions d’années court pieds nus, et qu’il s’est déshabitué à courir pieds nus, car depuis 40 ans on l’a trop chaussé.
Tu sais comme moi que l’être humain s’habitue à une ligne de confort.
Et même si on joue l’aventure, on a du mal à sortir de notre zone de confort.
Si mes parents m’ont mis beaucoup d’amorti, que j’ai couru pendant 30 ans avec beaucoup d’amorti…
Quitter cette zone de confort c’est un peu inconfortable.
Est-ce que ça ne va pas risquer de faire des blessures justement ?
À cause de cette incapacité de l’être humain qui s’est désadapté à ce qui était naturel.
On est tous d’accord pour dire que c’est naturel, mais on s’est désadapté.
Qu’est-ce que je réponds à mon client qui me dit « je veux me réadapter à ma nature » alors qu’il s’est désadapté depuis plus de 30 ans ?
Blaise Dubois : ça, c’est la question n° 2, que je vais vous dire dans mes recommandations cliniques aux clients, aux patients…
C’est que s’il est habitué à une grosse chaussure, il n’est pas blessé et il ne veut pas nécessairement améliorer ses performances…
Parce que ça ça peut quand même valoir la peine d’aller vers du plus minimaliste, je lui recommande de ne pas changer de chaussures vers du minimaliste…
Parce que pendant cette transition il va courir le risque de se blesser plus.
Il ne faut pas juste aller vers le minimalisme parce que c’est la mode…
Mais les recommandations qu’on va vous faire, que je vais vous faire tout à l’heure, sont basées sur des données probantes…
Je le dis haut et fort, sur la science disponible actuellement pour structurer des guides cliniques.
Qui vont pouvoir orienter les praticiens, cliniciens, coachs et vendeurs de chaussures.
Chaussure course a pied : des questions dans la salle ?
Animateur : Les 2 messieurs qui voulaient parler justement.
Personne 1 dans la salle : Pour ma part j’ai couru beaucoup en maximalistes, j’ai eu des soucis de genoux, mon objectif n’est pas vraiment d’augmenter mes performances, mais plus les distances.
Je suis un coureur d’ultra trail, ou plutôt j’essaie de l’être.
Et à force d’avoir de plus en plus de blessures, je me suis mis au minimalisme, pas sur les ultras trails uniquement dans de l’entrainement, dans une logique de renforcement.
Et l’impression que j’ai eue c’est que ça m’a fait changer un petit peu ma course…
Que j’ai plus une attaque pointe alors qu’avant j’avais plutôt une attaque talon..
Mais le problème que j’ai, c’est que quand je vais partir pour 15 ou 20 heures de course…
Je ne vais pas tenir mon attaque pointe sur mes 15 ou 20 heures de course.
Au bout d’un moment il y a une fatigue qui va se faire.
J’aurais l’impression de m’écraser.
Ma question c’est :
M’entrainer en minimaliste oui, mais pour l’ultra trail, pour la longue course, est-ce qu’il faut repasser en maximaliste alors que j’ai fait une grosse part de mon entrainement en minimaliste ?
Blaise Dubois : Je suis un novice en ultra-trail.
J’ai fait mon 1er de 65 km avec 2000D+ ce n’est rien du tout comparé à certains ici qui courent beaucoup plus.
Je me pose la question : si on s’est habitué à une chaussure, est-ce qu’on est vraiment protégé à avoir une chaussure plus maximaliste même en état de fatigue ?
D’abord c’est un bon processus, je pense, d’avoir moins de chaussures pour se solidifier et essayer de repousser nos états de fatigue…
Parce que si on se protège toujours ils vont arriver de plus en plus tôt, si on stimule le corps on peut espérer qu’ils arrivent de plus en plus tard.
Je connais des personnes qui font des ultra qui changent de chaussures à la fin, qui commencent en minimalistes, New Balance minimus trail, et qui finissent avec des HOKA.
Un état de fatigue descendant pourquoi pas…
Mais je pense que si on fait ça, il faut aussi s’habituer à la HOKA ou à la grosse chaussure parce que elle va induire des biomécaniques auxquelles vous ne serez pas adapté.
En faisant mon 65, je n’ai jamais changé de type de chaussure et je pense qu’on peut s’adapter à du plus long.
C’est une question encore une fois personnelle en lien avec la capacité d’adaptation et vos antécédents de chaussage.
Grégoire MILLET : On a fait des études justement sur de l’ultra et en particulier aussi sur des aspects de fatigue neuro musculaire et d’adaptation de la mécanique de course.
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’on soit en minimaliste ou en maximaliste, sous l’effet de la fatigue on va avoir une adaptation de sa foulée qui va dans le sens d’essayer de réduire les douleurs…
Ce que l’on appelle dans notre jargon les afférences nociceptives.
Pour ça on va augmenter la fréquence de foulée, la cadence. Je crois que Blaise va en parler après.
Puisqu’on augmente la cadence, on va réduire l’impact sur chaque foulée.
C’est de l’ordre par exemple sur une course qui fait 160 km autour du Mont-Blanc, c’est de l’ordre de 7 % d’augmentation de la cadence…
On teste évidemment la même vitesse.
Ça se traduit aussi par des oscillations du centre de masse le fait de courir avec des oscillations verticales qui vont être aussi très sérieusement réduites.
On va aller vers une foulée qui ne sera pas nécessairement plus économique d’un point de vue énergétique…
Mais qui clairement visera à réduire les douleurs en chevilles et en genoux.
Par contre, sur des distances encore plus longues, on s’est aussi amusés à comparer sur des distances de plus de 300 km, on se rend compte qu’il y a une composante anticipatrice.
C’est-à-dire que dès la mi-course, au 150ème km, on a déjà modifié sa foulée de façon à réduire les douleurs alors qu’on n’a pas encore un niveau de fatigue musculaire important qui est apparu.
C’est sur la 2ème partie de l’épreuve qu’on va maintenir sa cadence, qu’on va maintenir sa technique de course, et là la fatigue musculaire va croitre.
Je crois que j’avais fait un commentaire juste avant en disant qu’en fonction des épreuves, des vitesses et des distances, il y a vraiment des adaptations neuro musculaires, techniques, qui sont très différentes.
Il y a vraiment des modifications en terme de répartition des forces sous le pied qui sont différentes.
De ce point de vue là, je crois que la problématique n’est pas simplement maximaliste/minimaliste.
On voit bien dans ton continuum que le minimalisme n’existe pas vraiment finalement.
Blaise Dubois : Tu me relances, mais j’ai envie de te relancer à l’avance.
Ce qui m’intéresse avec toute la science que tu nous amènes, ce que je trouve vraiment intéressant :
Quelles sont tes recommandations vu que toi aussi tu cours des ultras jusqu’à du 300 tranquille ?
Avec quel type de chaussure tu cours ?
Gérard MILLET : Je cours avec des Asics. (Rires).
On va s’entendre.
J’ai une anecdote par rapport au fait que ce qui prime c’est d’abord la capacité d’adaptation.
Effectivement j’avais aussi acheté des HOKA qui sont des chaussures oversize, avec l’idée que c’est très confortable.
Et sur une course de 300 km il peut y avoir des parcours, il peut y avoir des portions qui soient en faux plat descendant.
On se dit que là on va simplement laisser rouler.
Lorsque j’ai porté ce genre de chaussures, 300 m après je me suis blessé.
Ce n’est pas la chaussure en tant que telle, c’est le fait que je m’étais adapté…
Evidemment je l’avais porté avant, j’ai beau être scientifique, je ne suis pas complètement idiot (rires), je l’avais porté avant, mais je ne l’avais pas porté dans les conditions de qualité de pied, d’arche et ainsi de suite de ce moment-là.
Et ça a induit une blessure ?
Concrètement je crois qu’il faut garder à peu près la même chaussure, qu’il faut prévoir des tailles un peu plus grandes, qu’on peut avoir des mécanismes de type œdèmes ou bien des inflammations, on peut avoir les pieds qui gonflent.
Je ne suis pas d’avis de nécessairement jouer comme j’ai essayé de le faire une 1ère fois sur le type de chaussure.
J’essayerais plutôt de prendre un modèle qui me va bien, plutôt avec un drop assez faible, il n’y a pas besoin d’avoir de grosses semelles, et de s’y tenir.
Animateur : Excusez-moi. Je voulais finir, mais bon, on va faire quelques questions.
Blaise Dubois : La suite, la prochaine question est quand même « chaussures de course à pied et prévention des blessures, quelles sont les bases de nos recommandations ? ».
On y vient pour les questions directement relatives à ça.
Là on était sur la définition de la chaussure.
Personne 2 dans la salle : Je voulais savoir s’il y avait des données scientifiques sur l’activation des chaines musculaires entre les chaussures minimalistes et maximalistes, chaine antérieure, chaine postérieure. Est-ce qu’il y a un changement ?
Parce que là on parle beaucoup des points de pression, on parle du stress mécanique…
Grégoire MILLET : Étant donné qu’on est en dorsiflexion beaucoup plus marquée des chaussures maximalistes, effectivement la contribution…
Et si on fait une mesure de l’activation du muscle de l’EMG on va observer des différences.
Donc la fatigue aussi neuro musculaire induite entre les dorsiflexeurs, le tibialis antérieur, les fléchisseurs plantaires, les muscles du mollet vraisemblablement va aussi différer.
À ma connaissance ça n’a pas encore été complètement mesuré avec des techniques de neuro stimulation ou de TMS.
Je ne crois pas que ça ait été fait.
Mais effectivement on sait qu’il y a des différences énormes.
Il y a un travail qui est sorti, qui montre aussi qu’il y a des différences énormes selon que l’on soit en montée ou en descente puisqu’on parlait de trail.
Effectivement, c’est un article qui est paru cette année…
En terme de flexion de genoux, on avait des différences qui étaient surtout très importantes en descente et qui vont dans le sens qu’avec une minimaliste on a des flexions de genoux qui sont marquées.
Et pourquoi est-ce qu’on fléchirait plus en genoux ?
Parce qu’en descente on a potentiellement des ondes de choc qui sont plus importantes.
Il y aura un rôle d’absorption qui serait davantage transféré vers le secteur du genou.
Ça induit quand même le commentaire que même si effectivement ce ne soit pas la grosseur de la semelle qui va faire qu’on absorbe ou pas.
C’est qu’il y a quand même peut-être uniquement sur des aspects perceptifs des petites différences.
Animateur : On va devoir absolument terminer.
Eric Haefelin : Pour confirmer ce qu’il dit, c’est vrai que nous dans la construction de la chaussure, pour la montée, pour l’avant, on a rien de spécial.
On travaille énormément sur un drop pour la descente parce que c’est le temps où le pied va venir à plat.
C’est ça qui est très important.
Grégoire Millet : On pourrait vraiment discuter à l’infini sur les différences entre montée et descente.
Il faut savoir que dans les pays de montagne on a le développement du trail qui est important.
Je crois que les adaptations techniques de foulée pour moi sont aussi importantes…
C’est-à-dire que peut-être avant de recommander de changer de chaussures…
Il faut déjà apprendre aux gens à adapter leur technique de foulée, à ne pas avoir de foulée trop longue, à ne pas trop être sur talon…
Même si sur talon on peut y revenir ce n’est pas nécessairement quelque chose de négatif d’être en talon y compris d’un point de vue énergétique.
Animateur : On va devoir absolument terminer. Vous avez une question aussi ?
Personne 3 dans la salle : J’ai une question sur le sujet.
Animateur : La dernière on est d’accord, et on finit après.
Blaise : 15 secondes par réponse.
>> Comment avoir une bonne foulée en course à pied ?
Mais pourquoi la plupart des fabricants continuent à mettre un drop dans la chaussure ?
Je pense qu’on a les moyens d’avoir une chaussure qui soit avec un drop nul et garder un certain amorti parce que je ne connais aucun architecte qui construit une maison en mettant directement une pente.
La notion de drop me parait aberrante si ce n’est au départ en voulant mettre un amorti parce qu’on est obligé de mettre l’amorti sous le talon.
Mais là on aurait les moyens de mettre des chaussures plates avec les autres caractéristiques.
Pourquoi on continue à le faire ? On essaie de le réduire, mais…
Eric Haefelin : Je ne sais pas si tu sais, on travaille sur des drops de 13 à 6 mm en général.
Donc les chaussures maximalistes c’est plutôt 10 à 13 mm je dirais, et après on est à 8 ou à 6 pour ce qui pour nous est le minimaliste, 6 c’est souvent dans les chaussures de compétition.
On met du 6 mm sur des athlètes qui sont entrainés, qui en général font de la compétition.
Mais ce drop, parce que simplement le fait d’avoir le pied beaucoup plus en avant facilite pour le coureur lambda le mouvement de la course à pied.
C’est la raison principale.
Blaise Dubois : Une raison qui est sans fondement et qui n’a aucune valeur. (rires)
L’épisode 3 : chaussures et blessures se trouve par là…
Que penses-tu des définitions et des explications de la bonne chaussure course a pied données dans cette conférence ?
Quel est pour toi la définition de la bonne chaussure course a pied ?
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Sportivement
Jean-Marc, Préparateur Mental, Conseiller Running & Nutrition
Auteur/autrice
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Préparateur Mental, Mentor des Sportifs et Sportives Motivés, Entraineur FFA 1er Niveau. Entraineur Triathlon BF5. Titulaire du tronc commun du BEES. Titulaire d'une formation de base nutrition certifiée CPD. Auteur des livres « Le Manuel pour Courir Plus Vite » et « Le Manuel pour Perdre du Poids en Courant »
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6 Responses
Je pense qu’il y a aujourd’hui trop de choix, et que ça embrouille au final les coureurs…
Je suis traileur, et j’ai une demi-douzaine de paires très différentes, que je porte selon différents paramètres (terrain, météo, distance, …)
En ce qui me concerne, j’estime que c’est justement le fait de ne pas s’enfermer dans un type de chaussure particulier qui fait que je ne me blesse pas trop souvent (car les blessures restent inévitables, surtout lorsqu’on fait des longues distances sur des terrains difficiles)
Je dirais que c’est à chacun de trouver ce qui lui convient, et qu’il n’y a pas de solution standard ! Les tests peuvent aider à dégrossir le sujet; mais, comme dit dans l’article, au final, c’est le PIED qui décide !
Le zero-drop, le minimalisme, l’oversize, les chaussures pour pronateurs, etc… : je ne dis pas que c’est inutile; mais les marques le font surtout dans un but de marketing, pour tenter de se démarquer et d’orienter vers leurs produits qu’elles prétendent innovateurs.
Bonsoir Michael,
Je te remercie pour ton retour d’expérience. Je te rejoins sur l’opération marketing des marques.
Et comme tu dis, c’est à chacun de trouver ses chaussures…
A bientôt